Georges Guillain

Georges Guillain est à Beauséjour ce soir. Sa grande taille habite pleinement la salle de lecture au plafond malgré tout un peu bas. Mais cette maison lui offre ainsi un cocon bienveillant. Et ce soir, ici à Rennes au bord du canal, ce n’est pas que sa taille qui fera impression, mais sa poésie aussi.

Georges Guillain a la faconde méridionale de ceux du bord de mer. De la mer du Nord certes, mais du pays des départs vers les vagues et le sel qui rendent les hommes diserts. Il a la faconde du prof en retraite qui a toujours aimé son travail avec la fierté d’un passeur de savoirs.

Sa lettre du poète Georges Guillain, resté à Boulogne sur Mer, au lecteur Georges Guillain, en lumière ici à la Maison de la Poésie, est un modèle d’humour schizophrénique, que n’aurait pas renié Woody Allen. Mais à travers l’artifice du double je, point d’artificiel d’un simple jeu. Tout cela est plus profond. Il parle de lui, de son écriture, de la poésie et se présente ainsi immédiatement attachant. Lui le découvreur, même lorsque la soirée lui est entièrement consacrée, aime à faire découvrir d’autres poètes ou écrivains. Valery Larbaud, Nuno Judice, Don DeLillo, Jules Laforgue, Bashô, Gérard Farasse, Michele Tortorici, Alexandru Musina…. En bon professeur, ou plutôt en bon passionné, il cherche à expliquer (déplier, enlever les plis).

Malheureusement, Georges Guillain est peut-être trop injustement méconnu comme auteur. Dans ces recueils, il observe, écoute les « craquements assourdis du monde ». Reprenant les mots de Paul Celan, il interroge « ce qui fut monde, comment reste-t-il monde ? ». Il nous fait visiter quelques jardins. Ces jardins botaniques qui font pousser aussi l’inspiration du poète. De l’abbaye de Sénanque aux « Lost gardens of Heligan », observant la terre « apprendre au puits les routines de l’eau ». L’homme et les éléments : « petites flaques d’être ». Pour retrouver « au cœur des choses qui débordent cet équilibre sans virgule intensément frôlé »…

Dans son roman-poème en cours dont il lit aussi une série d’extraits, il tente de restituer l’itinéraire de cet autre lui-même qu’il nomme significativement Il, qui bien conscient que « rien ne lui aura été donné spécialement à vivre » cherche quand même « avec espoir » à s’ouvrir un chemin en s’enfonçant « comme il peut dans la lenteur humaine ».

Georges Guillain, passeur donc. Mais aussi dans l’engagement – vocabulaire sportif pour un poète à physique d’athlète – Son investissement dans la promotion de la poésie n’est plus à démontrer avec son désormais célèbre Prix des Découvreurs. Son écriture aussi est engagement humain. Son dernier recueil « Compris dans le paysage » publié aux éditions Potentille a été écrit après une visite au camp du Struthof. Ici pas de pathos néfaste, une grande pudeur. Ecrire le malaise devant ce lieu de l’horreur, si magnifique à l’automne avec ce « paysage autour de grand feuillage combustible jaune durci de faines sur la tombe de la saison ». Cette horreur désormais indissociable de l’endroit, comprise dans le paysage, est peinte magnifiquement dans ce recueil.

Et Georges Guillain, questionné sur cet engagement, répond : « on ne peut plus vivre naïvement le monde ».
« L’Hiver est une main précise », Écrit(s) du Nord, 2000
« Compris dans le paysage », Éditions Potentille, 2010

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