Anne de Szczypiorski

     L'angoisse est là, féconde. Sur sa toile se promènent des filles chétives presque belles. Le ciel est figé par sa flèche dans un soupçon de crépuscule, sans joyaux et sans parfum. Le ciel est un tissu opaque et sale. La lumière sinistre d'un holocauste injuste aveugle l'espérance. Il n'y a plus que le « je n'aurais jamais dû » qui ouvre encore un œil hideux parce qu'utile.
     Des fleuves de sang séché coulent de l'autrefois, évoquant des enfants squelettiques aux cheveux secs, rêches, ébouriffés et noirs, avec des yeux pareils à des soleils que noircit la fumée des usines.
     Les toits perdent leur peau de reptile rugueux et bleuâtre.Le froid feuillette les chairs orange, givre les doigts aux ongles blancs. Le chanvre indien devient morose dans la narghilé et ses rêves sont changés en spectres crochus, gribouillés. L'Absolu flegmatique s'est laissé piétiner. Des lianes massives ligotent les bulles d'enthousiasme qui se divisent en deux grelots misérables, au son plus terrifiant que celui du gong, le gong de cuivre qui résonnait dans la paniques quelques mois plus tôt.
     Insipides, les jours qui se profilent entrebâillant la porte, s'appuyant sur le chambranle. Sauvagin, le goût des marécages de l'avenir chantant, parce qu'il croit avoir gagné en perdant le seul tout qui compte.
     J'ai tout perdu, ce soir, dans le jeu de l'angoisse.


Anne de Szczypiorski
L'atmosphère est saccagée




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