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Affichage des articles du 2018

Bernard Desportes - Le Cri muet

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Alain Gorius et sa maison d'édition Al Manar ont l'habitude de nous gratifier de livres d'artistes de grande qualité mais Le Cri muet de Bernard Desportes vient ajouter de l'émotion à l'esthétisme. Bernard Desportes est mort le 20 mars 2018, le cri muet est son dernier ouvrage publié quelques semaines avant sa disparition. Ce dernier cri est une sorte d'autobiographie, bilan d'une vie d'écrivain " serai-je allé plus loin / qu'au seuil / de moi-même? " , traversant vingt cinq ans de poèmes, proses, essais, lettres de 1991 à 2016. Livre hommage, organisé par l'auteur lui-même, qui restera donc comme un témoin " ma vie / plus loin que moi ", de ce que fut son talent. Quand, pour un poème, Desportes choisit comme exergue cette citation d'Henry Vaughan : " et respire, toi, dans l'âcre monde / pour dire ce que je fus. " c'est pour décrire cet âcre monde qu'il dépeint au travers de ce choix

Brigitte Maillard – L'Au-delà du monde

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Il est des poètes explorateurs qui, sans aller bien loin et sans manipulation d'équations et de théorèmes, cherchent avec des mots cette inconnue qui pourtant nous interroge sans cesse : la vie. Brigitte Maillard est de ces auteurs qui cherchent à " Saisir la vie au bord de l'univers " mais qui la célèbrent aussi : " la vie qui parle au vent / au travers des miroirs ". Son dernier ouvrage s'intitule L'Au-delà du monde, il explore la vie, la lumière, la mort " une espèce de mort / avec un horizon / et trois couleurs ". Il est publié chez la Librairie-galerie Racine et nul doute que Guy Chambelland n'aurait pas désavoué ce recueil. Dans son style, Brigitte Maillard applique à la lettre la maxime de Victor Hugo : " Poètes, voilà la loi mystérieuse : aller au-delà. " Son lyrisme est fait d'appels du large et du cosmos " Un souffle d'étoiles / à portée de nos gènes ". Elle explore en poète les frontières

Eric Brogniet

Entre mémoire            Et catastrophe Quel chemin nous est ouvert ? * Balafres dans la langue             Ce qui - bord à bord - Ouvre ou cicatrise Sahariennes Al Manar 2015

Gérard Cléry - Un cahier d'Olivier Vange

notre amour est si beau que les enfants le graveront sur leurs pupitres pour en rêver * [...] surtout qu'on ne lui flanque pas dans le regard un nouveau lac à empierrer [...] * la mer avait de ces tendresses lentes couleurs elle renonçait à l'amertume elle renouait avec les dunes les avirons les écoutilles la mer aux maladresses montagneuses s'empressait de se faire oublier Un cahier d'Olivier Vange Gérard Cléry Les élytres 2004

Olivier Cousin - La Hache de sable et autres poèmes (extraits)

FOLLES DÉPENSES Sa vie est pleine de moments généreux Parfois il casse sa tirelire aux métaphores pour écrire des poèmes Autant dire rien Parfois peu économe de sa peine il habite ses poèmes Autrement dit l'essentiel * IL Y AVAIT UNE SUITE, MAIS PERDUE i.m Yves Landrein Veiller les mots c'est toute la joie de notre sort Mettre les maux en veilleuse dans la brume d'un lieu innommable toute l'histoire de nos cahiers Quand l'homme tente d'ouvrir les serrures  posées sur l'infini ses essais restent maladroits sans autres épaules pour enfoncer les portes scellées par les discours usés Dans l'interstice entre l'inutile et le nécessaire il y a des risques qu'on prend seul comme sa part de besogne dans une lutte pour assourdir le tapage La Hache de sable et autres poèmes Olivier Cousin La Part Commune 2015

Marie-Josée Christien - Constellations

Parfois un relief de terre s'ajoute à la lumière leur alliance creuse dans le regard creuse dans la pensée s'efface et se recompose pour revêtir de dépaysement tous les paysages Marie-Josée Christien Constellations Atelier de Groutel 2010

Lydia Padellec - Mélancolie des embruns

Non tu ne désespères pas. Tu saisis l'éclat insouciant de la lune sur les toits d'usines. Le poème te hante comme un navire naufragé de l'enfance. Comme un baiser sous une pluie battante un jour de guerre. Il est là où dieu n'est nulle part. Il pactise avec la terre et prend plaisir à faire pleurer les étoiles. Le poème, parfois, est ce gamin des rues qui s'amuse de la naïveté de l'aube. Orphelin de mots et de sensations, il vole les images, se joue du langage. Il déniche le temps derrière tes regrets et le jette en ricochets dans ta nuit blanche. Lydia Padellec Mélancolie des embruns Al Manar 2016

Jacques Josse, le style des belles personnes

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Après un portrait attachant de Marco Pantani en 2015 ( voir ici sur le site unidivers ), Jacques Josse, écrivain discret, prix Loin du marketing en 2014, revient sur l'histoire de son père, malheureusement touché trop jeune par la maladie et écarté d'une carrière de marin. Breton resté à quai, cloué au port , débarqué. Les psychanalystes nous invitent à "tuer le père", ici l'auteur choisit une autre voie, celle de lui rendre hommage. Dans Liscorno , publié en 2014 aux éditions Apogée, Jacques Josse nous faisait découvrir les lectures de sa jeunesse et les auteurs qui l'ont marqué. Dans Débarqué , il s'enfonce plus profond encore dans ses racines littéraires quand cette passion de la lecture de récits de voyages lui vient de son père. Quelle belle transmission que cet appétit de récits d'aventure, et après cette transmission, il faudrait "tuer le père"? Ce n'est pas possible. Nous faisons ici connaissance avec un grand-père

Lionel Bourg, Un oiseleur, Charles Morice

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Avec ce nouvel ouvrage, publié par Le Réalgar, Lionel Bourg nous conte l'histoire de Charles Morice, écrivain oublié, compagnon de route des deux Paul (Gauguin et Verlaine), comme s'il nous racontait une histoire. Une histoire d'un homme certes, mais aussi et surtout l'histoire d'une époque : l'après Commune à la fin du 19ème siècle "A Montmartre, la Commune n'est plus qu'une poignée de cerises écrasées sous la botte versaillaise. " avec ses drôles d'oiseaux libertaires et ses merles moqueurs... Et toujours le style gourmand de Lionel Bourg pour si bien décrire la société de l'époque : " Rubiconds, le gilet boutonné sur une proéminence abdominale proportionnelle à d'augustes coups de fourchette, le boîtier de montre dûment astiqué, les bourrelets au chaud sous un solide bandage herniaire et, le ridicule ne tue pas, le pantalon tire-bouchonnant sur des bottines vernies, huissiers, soyeux, ingénieurs, avocats, clercs et

Philippe Jaffeux - Un Alphabet dans les annales

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Un livre qualifié de «  proliférant et multiforme  » (C.Vercey), «  vertige lucide  » (F.Huglo), « nouvelle énergie » et «  une des plus grandes entreprises littéraire du temps  » (J-P Gavard-Perret), ne peut qu'intriguer et inviter à la découverte. A contrario, le même livre, un pavé de près de deux kilos, au format 21x29,7 pourrait faire fuir. Mais ce nouvel Objet Littéraire Non Identifié mérite vraiment les hommages qu'il reçoit un peu partout. Philippe Jaffeux, qui affirmait «  Le propre de l'homme est de se salir au contact d'une parole transparente  » 1 n'hésite pas à nous nettoyer l'esprit avec toute l'encre des manques, interstices et pages blanches. Revenir aux fondements non pas de la langue mais de la civilisation : l'alphabet (mais qui du chiffre ou de la lettre fut le premier?), et y tenter la fission avec les nombres. Une nouvelle forme de poésie géo[poé]métrique non affiliée à l'Oulipo mais bigrement assistée par les ordinateu

Eric Godichaud – Le cabinet de curiosités

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La revue Décharge publie dans sa collection Polder « Le cabinet de curiosités » d'Eric Godichaud. Quand l’imagination fait plaisir à lire...que tous les curieux de littérature et de poésie se précipitent sur ce petit ouvrage. Un cabinet de curiosités désigne, du XVI e au XVIII e siècle, des lieux où sont regroupés de multiples objets rares ou étranges représentant les trois règnes de la nature (mondes animal, végétal et minéral), ainsi que des objets créés par l’homme (œuvres d’art, instruments scientifiques, armes, etc.). Ils s’organisaient généralement en quatre catégories : artificialia ( objets créés ou modifiés par l'Homme : antiquités, œuvres d'art) ; naturalia (créatures et objets naturels, avec un intérêt particulier pour les monstres) ; exotica (plantes et animaux exotiques) ; scientifica (instruments scientifiques). La visite d’un cabinet de curiosités est toujours un enchantement pour les petits comme pour les grands. L’app

Corinne Pluchart - Fragments

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C’est toujours un plaisir de lire un premier ouvrage, de découvrir un nouvel univers, un style naissant même avec quelques menues maladresses mais surtout avec de belles promesses. Corinne Pluchart publie son premier recueil aux éditions Vagamundo et nous invite en son pays des Marches de Bretagne, autour du Mont-Saint-Michel, pour une promenade intime dans des paysages de pierre et de sel pour marquer sans doute la rugosité des jours. Le recueil s'ouvre sur une déflagration, quelques fissures dans l'azur, une fin qui ne serait qu'un début, dans la fulgurance d'un " éparpillement contre la mer " d'une centaine de fragments poétiques. Fragments d’aubes face à l'horizon à la recherche des passages de lumière avec la présence de l'ange du mont et des " fracassements de mer ". " fragments de lieux " imprimés dans l'intime " la mer dans le creux du ventre ", " tremblements de chair ", tiraillements et

Sammy Sapin - Deux frères

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Est-on jamais frère? Même frères, l’est-on vraiment? Fraternité (et sororité aussi) veut-elle dire forcément mêmeté d'être? Sammy Sapin, dans son ouvrage “Deux frères”, publié en Polder n°171, ne s’attaque pas à cette analyse philosophique. Il fait mieux, il en fait de la poésie en croisant deux destins et en les décrétant frères. Deux frères sans réelles ressemblances : Ludwig Wittgenstein (1889-1951) et Charles Bukowski (1920-1994). Pas beaucoup de points communs, juste peut-être deux trajectoires dans le siècle autour de la mort. Aussi sans doute, deux influences importantes sur les écrivains actuels. Adepte de la realpoetik, Sammy Sapin, poète lyonnais né à Caluire et Cuire, nous propose donc deux biographies pour le prix d’une. Dans un style fluide, sans jugement, sans pointer ni bien ni mal, sans chercher à tout prix les rapprochements, deux biographies en miroir d’hommes lucides sur la vie et sur eux-mêmes. A l'âge de huit ans Wittgenstein se posa sa

Georges Guillain - Parmi tout ce qui renverse

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Avec Parmi tout ce qui renverse , Georges Guillain vient achever le cycle commencé avec Compris dans le paysage (Potentille, 2010), complété par Avec la terre au bout (Atelier La Feugraie, 2011). Cet ouvrage, Georges Guillain, habitué des rencontres avec le public avec son Prix des Découvreurs, a souhaité le diviser en trois parties, dont la troisième vise à apporter quelques précisions sur son travail et sur les circonstances de son écriture pour un peu accompagner le lecteur sans vouloir lui imposer quoi que ce soit. Georges Guillain privilégie cette démarche de passeur qui distribue quelques clés, plutôt que de se couper d'un lectorat toujours disposé à découvrir la poésie contemporaine. Car souvent par trop de références culturelles, certains poètes se coupent d'un lectorat potentiel qui se sentent perdus à la lecture. Ici, tout le monde ne connaît pas le Libro dell'arte, le château de Lacoste, ni la Via del lupanare, ni Aimé Bonpland, tous regroupés dans cet o

Philippe Mathy - Veilleur d'instants

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Philippe Mathy, poète belge né en 1956, partage sa vie entre la Belgique et Pouilly-sur-Loire en Bourgogne Nivernaise. Ce n'est donc pas étonnant qu'il aime à collectionner les instants passés au bord de la Loire. Son dernier ouvrage, intitulé Veilleur d'instants est d'emblée placé sous la protection de Cesare Pavese. Mais ce titre n 'est pas sans rappeler aussi celui de Gilles Baudry Demeure le veilleur (penché sur l’horizon de la promesse )... Chez Mathy, cet horizon de la promesse pourrait être cette collection d'instants qu'il accumule au bord du fleuve, comme une pêche miraculeuse, pour mieux approcher l'universel voire l'éternel d'une forme constructive de la mélancolie. Cette " Porte ouverte / sur des chemins perdus " , sur cett e " lumière désemparée " et cette “ attente dévastée / de nos espoirs ”. " Où vont nos jours ? / Où vont nos nuits ?" “ Où se retrouver, / quand les jours sont / des bar

Guénane - Atacama

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C'est un détour vers le désert d'Atacama que nous proposent Guénane et son éditeur La Sirène étoilée. Car en effet, après " La sagesse arrive toujours en retard " publié chez Rougerie et " Le Détroit des Dieux " édité par Yves Perrine (La Porte), Guénane, grande voyageuse et amoureuse de l'Amérique Latine, nous emmène dans ce désert chilien parmi les plus arides de la Terre. Ayant eu déjà l'occasion à plusieurs reprises de lire des ouvrages de Guénane, j'ai choisi d'attendre un jour gris pour entrer dans sa dernière publication aux éditions La Sirène étoilée : Atacama. En effet, Guénane aime à nous faire voyager entre Bretagne et Amérique du Sud et je savais que j'allais retirer du soleil de ma lecture par temps maussade. " Pressentir est une émotion ", l'incipit de cet ouvrage fait bien le lien entre ce qu'on ressent face aux mystères de la nature qui nous dépassent mais aussi lors de la lecture d'un ou