Philippe Jaffeux – Glissements
Philippe
Jaffeux et ses jaffeurismes, suite... Toujours très prolifique
Philippe Jaffeux vient de publier aux éditions Lanskine Glissements.
Toujours
le même mode opératoire une multitude de phrases sorties d'on ne
sait quel cerveaugiciel en surchauffe, mis en forme façon Oulipo. Un
renouvellement incessant d'exercices de style à la recherche d'une
langue à réinventer et d'une écriture à faire exploser. Une sorte
d'"Écriture
mutante" d'un
"monde illusoire" et
d'un "temps
inconnu".
Mais
ce recueil ne se résume pas à cet exercice de style. C'est une
vraie réflexion sur les glissements de formes et leur impact sur la
langue. Et ces glissements de langue opèrent aussi quelques
dérapages dans notre façon de lire et donc d'appréhender ces
textes.
Car
attention, ici chute de lettres, inversions de syllabes : "Tebê
explore une inversion de syllabes au risque de définir la sauvagerie
d'un règne illisible",
"Cheblan questionne une
formule mystérieuse du vide afin d'expliquer la réponse d'une
inversion étonnante"
Superpositions,
collages, bricolages et autres tentatives " Nous
superposons des lettres hérissées sur
l'expansiond'unglissementquichevaucheunelangueeffrayante".
Il y a des phrases
volontairement mal découpées au milieu de mots pour en compliquer
la lecture et provoquer des glissements de lecture et compréhension.
Lapsus provoqués pour faire
"ob stacl e aux fonde m ents de l' écrit ure". Ces
fondements de la langue par friction-collision, comme des mots-silex
frappés pour en faire sortir le (jaf)feu(x).
Le
verbe glisser traduit en 26 langues. Toujours ce nombre 26 à double
chance ! Toujours chez Jaffeux cette icosikaihexaphilie (ce mot n'est
pas dans le dictionnaire, car Jaffeux doit être le seul au monde a
ainsi aimer ce nombre... et puis une poésie icosikaihexaphilique ce
serait trop compliqué pour définir sa poésie !).
Alors
on cherche comment mieux définir cette poésie. Structurelle, comme
la qualifie Guillaume Basquin? Pourquoi pas, même si cela me semble
réduire le texte à sa seule forme. Mais quel mot trouver pour
qualifier un tel foisonnement de formes? Il y a aussi du mouvement,
une réflexion sur l'acte d'écrire, sorte de glissé-croisé entre
tous les poèmes.
"Je
me déplace dans un dialogue jubilatoire pour m'affranchir d'une
écriture obsédante",
"Nous comprenons des
mots qui rejettent l'écriture car nous parlons avec le silence de
l'alphabet"
Et
pour terminer définir Philippe Jaffeux lui-même, par cette
phrase-clé :
"Un
torrent de phrases mises bout à bout s'intègrent au destin
irresponsable d'un desperad0".
Poètes
maudits, desperados de la poésie, explorateurs du langage,
théoriciens de la sémantique, ou bien simples lecteurs curieux,
laissez vous glisser dans la lecture envoûtante de Philippe Jaffeux
(et plutôt vingt-six fois qu'une...).
Glissements
Philippe
Jaffeux
Editions
Lanskine
2017
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