Articles

Affichage des articles du 2020

Florent Toniello - Foutu poète improductif

Image
P ublié par les Éditions Rafael de Surtis, dans sa collection "Pour un Ciel désert", Foutu poète improductif , le dernier ouvrage de Florent Toniello, explore en mode-poète le monde de l'entreprise. Mais au-delà de l'originalité de cette démarche, la poésie est bien au rendez-vous. Pourtant qu'y a-t-il de plus éloigné de l'entreprise, de l'économie libé-immorale, de la compétition, que la poésie? Et si les mots du poète pouvaient éclairer les hommes jusque dans leur relation au travail? Et le poète improductif tout comme la vigie, le visionnaire, le philosophe, le sociologue, l'anthropologue, etc. n'est-il pas devenu encore plus nécessaire en ces temps où l'argent est devenu le mètre-étalon d'un soi-disant bonheur? Florent Toniello a bien connu ce monde de l'entreprise moderne, uniquement tournée vers le profit des actionnaires. Son habitude de croquer les travers de ses collègues par de petits textes a sans doute fait de lu

Lionel Bourg - Prière d'insérer suivi de Cote d'alerte et C'est là que j'ai vécu

Image
Lionel Bourg, plus qu’écrire, chérit les mots : «  Ce noir crissement dans la neige qui tombe   ». Il a publié en mai un court recueil intitulé   Prière d’insérer suivi de Cote d’alerte , aux éditions La Passe du Vent. Et en octobre, il nous offre à découvrir avec les éditions Quidam :   C’est là que j’ai vécu . Il est intéressant de faire le parallèle entre ces deux ouvrages qui semblent flotter dans un même équilibre. Sa vision du travail d’écrire tout d’abord : « Difficile à éviter, le substantif ne me satisfait toujours pas. “Activité” ne serait pas meilleur, ni “acte”, ni “labeur”. Me résignant à l’utiliser, je garde à l’esprit son étymologie – tripalium, instrument de torture – tout en retenant que l’usage en a fait un concept contradictoire, ambigu, mystificateur  ». Mais en fait, pour Lionel Bourg, écriture ne rime pas avec torture, tous les jours elle est son «  unique joie : vaquer, débroussailler un peu, ramasser un caillou et semer ces autres pierres qui sur la page distrib

Yves Simon, et tout comprendre de mon adolescence ratée.

J'aime Yves Simon de toute mon adolescence mal fagotée. Il aurait suffit de peu pour en avoir une aussi riche que lui. Je n'ai pas su comme lui ouvrir la barrière de la culture pour m'ouvrir tout le champ des possibles. J'ai mis trop de temps à lancer mes mots au vent de la poésie. Trop coincé dans le quotidien, je n'ai jamais réussi à enclencher le moteur de la manufacture des rêves. J'ai mis trop de temps à savoir la direction vers laquelle embarquer ma vie. Trop peur de me présenter comme différent dans mon milieu. Je rêvais plus de sentiments que de réussite, de jolies phrases que d'argent. Je m'inventais des histoires d'amour platoniques depuis l'âge de dix ans. Je préférais la compagnie des filles, plutôt que celle d'un ballon de foot ou de ceux qui pissent plus loin. Je n'avais que l'écriture en tête mais les mots se bousculaient, s'embouteillaient, de telle sorte que rien d'intéressant ne sortait de ma bouche ou de la

Yves Mabin-Chennevière (1942-2020)

Image
Par les bons soins de Caroline, la bibliothécaire de Corps-Nuds, j’ai pu découvrir le talent méconnu du poète Yves Mabin Chennevière, originaire de cette commune près de Rennes. Talent méconnu même ici… Nul n’est prophète… car ses ouvrages ne sont que rarement empruntés. Décédé le 18 juin 2020, il y a lieu de sortir de l’anonymat quelques-uns des ouvrages de poésie de cet écrivain diplomate. Depuis 1969 et son premier roman L'Usurpé, Yves Manon Chennevière n'a pas essayé de plaire à tout prix avec sa poésie. Il a préféré travailler à son indépendance de tout mouvement littéraire en recherchant l'exigence et l'intelligence. Ami avec Julien Gracq, Gilles Deleuze, qu'il cite en exergue de Méditation métèque « Être un étranger dans sa propre langue », il partage la volonté d'explorer la langue dans ce qu'elle a de plus secret : la magie de la poésie. Toujours pour se démarquer, il se choisit une forme de poème avec toujours trois quatrains d'ale

Antoine Emaz

Atteindre en mots une certaine intensité de vivre, voilà peut-être ce que je demande à un poème, un livre. Que la vie ait été extraordinaire ou parfaitement banale, vécue par le poète ou non, cela n'a pas d'importance ; on peut faire l'économie du biographique, même si tout vient de la vie et y retourne, autrement. La difficulté vient de ce que les mots seuls, aussi bien que le seul vécu, ne suffisent pas. Une existence (ou un moment, une période de celle-ci) passionnante, tragique, peut se révéler aussi faible poétiquement qu'une poésie exclusivement savante, même à l'extrême de la technique et de l'intelligence. Et on ne sait pas bien où et comment s'opère la fusion entre les deux éléments de vivre-écrire. La confession fiévreuse, survoltée lyrique, est aussi décevante, au bout, que le pur travail, même acharné. Il faut que les deux s'articulent, à l'aveugle. Les années font gagner un peu en savoir-faire, mais ce dernier enlise aussi parfois. Repr

Petr Král (4 septembre 1941 – 17 juin 2020) :

[...] Il y eut pourtant assez de temps pour vivre, un après-midi entier où le vent sur la terrasse soulevait la nappe pour la tirer vers l'oubli, où une mate lueur perçait la grisaille des quais et l'ouvrait au blanc de nulle part, où les graines attendaient, comptées, dans l'ombre du magasin et dehors passait à vélo une déesse anonyme. Tout le temps pour vivre dans le frisson distrait d'un monde sans poids, pendant que vous dormiez. extrait d'un poème tiré du recueil Pour l'ange, publié en 2007 chez Obsidiane

Guy Allix - Au nom de la terre

Et tu vis cette terre qui te porte, te travaille, t'incline vers elle comme vers une page. Et tu vas cette terre au-devant de toi. Fragile est ton nom, ton nom à peine et qui s'envole dans un souffle. Et tu peines pourtant à inscrire ce sillon. * Tu travailles le poème comme on travaille un champ. Avec toute la lenteur nécessaire. Tu ratures la terre pour ne garder que la justesse. * Le peuple de la terre On l'appelait le peuple de la terre Mais le plus souvent on ne l'appelait pas Tant il fallait se pencher pour trouver un nom A ce peuple sans gloire A ce peuple courbé  Enraciné là  Le peuple de la terre L'humble Ces hommes ces femmes Les très bas Toujours à hauteur de ce sol Qui les avait vus naître  Et n'être que si peu Au regard de ces puissants qu'ils nourrissaient  Peuple de ces yeux scrutant toujours le ciel En attente d'une éclaircie ou d'une pluie Le peuple