Nathalie Quintin-Riou - pommelée

 

Nathalie Quintin-Riou est une écrivaine bretonne qui a peu publié mais qui mène des travaux de recherche entre philosophie et poésie. Professeure agrégée de lettres modernes, ses travaux ont portés sur l'œuvre de René Char ainsi que sur d'autres auteurs aussi bien contemporains que classiques et plus récemment est paru un essai sur Madame de Sévigné.

Ce recueil, son troisième, regroupe des poèmes écrits sur plus de dix ans. Nathalie Quintin-Riou l'a organisé autour de quatre horizons et l'a intitulé pommelée. Pommelée se dit de la robe grise et blanche d'un cheval mais peut qualifier également les états d'âme, oscillant entre ombre et clarté, « entre clairière et forêt ombreuse ».

Un ciel aussi peut être pommelé et alors serait signe de mauvais temps.

Ces poèmes, aux liens pas forcément évidents, se répondent pourtant en échos subtils qu'il est plaisant de rechercher. Nathalie Quintin-Riou aime à explorer les ambivalences. Et si la compréhension n'est pas donnée, Yves Mabin Chennevière, autre poète breton d'origine, n'affirmait-il pas « Un poème non hermétique n'est qu'une chanson. » Cette poésie invite à prolonger le regard pour atteindre les eaux profondes du ressenti. A travers l'obscur peut alors pointer une émotion, un sentiment, peut jaillir une forme de beauté.

Nathalie Quintin-Riou ayant autrefois travaillé sur l'œuvre de René Char, on sent planer l'ombre du grand poète quand elle écrit dans ses premiers poèmes « vos rochers cousent le sillon solaire de l'aube aux failles hauturières ». J'y vois un lien entre la mer bretonne et les montagnes des Alpes-de-Haute-Provence. Son écriture elliptique se plaît à entretisser les instants et en modeler la matière-émotion chère à Char.

Ce pommelée pourrait aussi être un poème pour elle, tant la mère, la grand-mère, la sœur, l'amoureuse, les autres écrivaines sont omniprésentes dans ces lignes Intimes. Quand Nathalie Quintin-Riou écrivait sur le site de Pierre Campion « Elle court, elle court, la poésie, jamais vous ne verrez son genre », cet ouvrage vient contredire ce propos avec une tonalité féminine clairement revendiquée.

Le recueil s'ouvre sur le paysage, où plutôt sur le passage dans le paysage, par exemple l’île d'Illiec dans les Côtes-d'Armor. Mais le lieu est-il si important ? « ici n'est pas » à moins qu'ici ne soit qu'un pas. A moins que le nom d'Illiec soit un mélange de celle et de celui, d'il d'elle en iel...

Le chapitre Pages regroupe des poèmes en hommage aux écrivaines inspirant l'autrice. Des pages lues qui interrogent l’être en sororité avec des autrices comme Emily Dickinson, Louise Labé, Marie de Sévigné, Claude Cahun, Édith Södergran, Elizabeth Bishop.

Un dernier point pour signaler la qualité du travail de la maison d'édition L'Étoile des limites, basée à Fourmagnac dans le Lot. Un choix éditorial ambitieux avec des auteurs tels que Christian Hubin, Guy Goffette, Yves Leclair, Laurent Albarracin, Jean-Luc Steinmetz.

Un bon moment de lecture.

Pommelée

Nathalie Quintin-Riou

L’Etoile des limites, 2024

96 p.

ISBN 978-2-905573-37-7

16 €