Les eaux Joseph Beaude

Hervé Bougel, dans son pré # carré, nous offre le plaisir de (re)découvrir un poète rare : Joseph Beaude. Théologien né en 1933, il a publié de nombreux essais philosophiques sur les mystiques en particulier, mais uniquement deux recueils poèmes « les eaux » en 1981 et « il neige » en 2002. Hervé Bougel a donc choisi de rééditer, dans son numéro 64, ce premier recueil : « les eaux ».

Même si le format carré du livre est antinomique avec le titre – l’eau s’accorde sans doute mieux avec la rondeur – la couverture choisie les réconcilie. Ces traces de brillant sur fond brun font comme une eau de rivière sur les micas et nacres des plages de Bretagne.

Alors effectivement, on y évoque les eaux. Bien naturellement pour un écrivain né au bord de la Manche et vivant désormais près de la Saône, les eaux ont différents goûts. Tout d’abord, la mer qui musarde, mais « Il faudrait de trop longues lunes pour apprivoiser la mer ». Alors l’eau douce, cette « lumière en étang répandue », ce puit qui « scrute une étoile abîmée», ce « feu mouillé à l’aplomb des orages », cette « mare secrète de nos mutismes » « miroir qui cèle la profondeur » et la pluie « sur les vitres dont un enfant regarde la musique »

Puis dans une deuxième partie le texte se resserre en tercets comme un fleuve qui courrait sur ces pages. Une Saône sur papier blanc partie rejoindre les nacres. Mais cette concision renforce le rythme de dévalement de ces eaux, la précipitation horizontale des rivières. En crue « la nuit monte par le miroir grossie d’un ailleurs de neiges ». Ces neiges des monts des Vosges et du Jura sans doute. « Les odeurs fluent vers la mer et ses poulpes ».

Puis la rivière prend un cours plus personnel. Sans tomber sur les images faciles de l’eau et la vie (surtout pour un théologien), on sent l’écoulement de l’âge (bien que ces textes aient été écrits voilà presque trente ans). « Le sang débourbe son amont / filtre les nacres de la mémoires dissoute ». « …Mais quels flots submergent d’images / les mots que je n’ai pas dits / et nos lierres de soie noire ? »

Hommage donc à la Saône, bien moins célébrée en poésie que d’autres rivières, mais pas seulement. Méditation d’un homme au bord de la rivière qui passe au cœur de sa ville. Méditation d’un poète au bord de sa vie. Et quitter le livre comme la Saône « en paix répandue »

Les eaux

Joseph Beaude

pré # carré éditeur 2010

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