Titos Patrikios – Sur la barricade du temps
Avec la publication d'une anthologie bilingue des œuvres du poète grec Titos Patrikios, les éditions Le Temps des Cerises nous offrent l'occasion de comprendre la crise grecque par le prisme de la poésie tout aussi efficace que celui de l'économie ou de la sociologie. En effet, avec les poèmes de ce grand auteur maintes fois primé, et dont la vie fut un combat pour la liberté et la démocratie, nous plongeons dans l'histoire difficile d'un pays aux multiples souffrances.
Titos Patrikios, l'un des poètes les plus importants de Grèce et ami de Yannis Ritsos, fait partie de ces intellectuels qui, après la seconde guerre, par le seul fait d'être communistes et porteurs d'une autre vision du monde, ont eu à connaître l'emprisonnement dans des camps de « réhabilitation ». La vie de ce poète trop peu connu en France illustre parfaitement la devise grecque : « la liberté ou la mort ». Car sa vie fut un combat et son temps une barricade où il tenta toujours d'y chercher le bonheur « Le bonheur ici et maintenant / le bonheur où que ce soit, toujours / bonheur seulement dans le combat ».
Comme si le combat contre les nazis (Patrikios s'engagea à 14 ans en 1942 dans la résistance) ne suffisait pas pour ce peuple berceau de la civilisation européenne, il fallu souffrir sous la férule d'anciens collabos remis au pouvoir par les bons soins des anglais et des américains dans l'immédiat après-guerre. Malheureusement pour elle, la Grèce n'a pas eu la chance d'avoir un de Gaulle pour unifier la résistance et défendre les intérêts de la démocratie dans la reconstruction. Il faudra attendre 1974 pour mettre fin à la dictature et le retour de Patrikios dans son pays un an plus tard après un exil en France (1959-1964) et en Italie (1967-1975).
L'aventure d'une telle vie n'est pas une quelconque distraction télévisuelle, elle n'est pas non plus une compétition mais un appétit de liberté qui appelle aux armes. Titos Patrikios sait cependant rester modeste (mais peut-il en être autrement pour un poète?). « A l'âge que j'ai atteint désormais / quel pouvoir ai-je acquis / sur les autres, sur moi ? / Quelle vérité ai-je réussi à dire ? / J'essayai de répondre / quand le rêve suivant a surgi. »
Mais Patrikios est un poète et le combat n'empêche pas la réflexion sur la langue « c'est dans cette langue que me parlaient même les morts », sur la poésie « c'est là que te trouve la poésie » et sur les mythes qui ont bâti la Grèce.
Dans ma lecture silencieuse, j'entends résonner l'histoire difficile d'un pays en souffrance. « Pauvre Grèce, aux pieds gonflés / dans de vieilles chaussures déformées, / avec les défroques des patrons »... Le diktat des marchés et de l'Europe mercantile venant après celui des nazis et des dictatures qui s'en sont suivies. A lire Titos Patrikios, je pense aux combats actuels du peuple grec et j'ai envie de dire aux français « Ne tirez pas sur un pays qui souffre. » Mais gardons confiance, un pays qui s'est libéré seul du joug nazi, oui seul, sans les alliés, est capable de se libérer de la dictature des spéculateurs. L'éclaircissement par l'histoire, c'est un peu ce que propose cette anthologie bilingue, dans une traduction de Marie-Laure Coulmin Koutsaftis.
Sur la barricade du temps
Titos Patrikios
Le Temps des Cerises,
350 pages, 17 €
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