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Affichage des articles du 2015

Elisabet Jokulsdottir - Solstice

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D'Islande nous vient ce solstice, pourtant plus habitué aux équateurs. Ce solstice nous évoque la chaleur du corps et du désir. Le feu intérieur qui attire les corps comme les sources volcaniques d'Islande. Le feu féminin qui va jusqu'à effilocher les chandails. « Cet embrasement se mue en flot de lumière, / puis-je maintenant caresser ta nuque. ». Le corps, la terre « issu de la terre, nul n'est plus terre que toi » pour une quête du bonheur « Le bonheur est de succomber à l'instant. » Elisabet Jokulsdottir, artiste islandaise engagée pour la protection de l'environnement, chorégraphe, écrivain et poète, exprime la puissance du désir en 102 distiques bilingues élégamment enveloppés dans les boîtiers qui distinguent la collection Po&psy des éditions Eres. Solstice Elisabet Jokulsdottir Edition bilingue, Editions Erès – Collection Po&psy 2015 64 p. 10 €  Article publié également sur le site Recours au Poème

Valérie Rouzeau – Télescopages

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Valérie Rouzeau aime télescoper les mots, les faire entrer en collision pour mieux les faire entrer en résonance. Et quand on lui propose d'écrire à propos d'un objet exposé au musée des Confluences de Lyon, c'est tout naturellement qu'elle choisit le fragment de la météorite Allende qui explosa sur terre le 8 février 1969 à 1h05 du matin. Bien entendu Valérie Rouzeau choisit la voie et la voix de la poésie et non pas celle de la science pour évoquer tous les télescopages provoqués par cette météorite. La science "c'est qu'on n'y comprend rien on y pige fort mal". Alors plutôt convoquer tout ce qui peut tomber : pétales, pot de fleurs, pile d'assiettes et puis la pomme bien sûr, dans 22 fragments mêlant cinéma,  BD, peinture et des clins d’œil à Eluard et Armand le poète. Car le télescopage est avant tout une rencontre, et partout dans ce livre les rencontres, entre Frida Kahlo et Rahan ou Galilée et Mr Bean par exemple, explosent en bulle

François Graveline - Les oiseaux du petit fleuve

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Puisque la naissance est un envol, puisque le désir et la mort aussi, chercher une explication dans le vol des oiseaux. « Un oiseau passe / la vie aussi // tu n'en sais pas plus / sur elle que sur lui. » Et puisque la vie coule vers son grand estuaire, voir dans chaque vaguelette poussée par le vent, un peu de la mémoire qui s'en va. « Sur le bord de la mémoire / les souvenirs font des ricochets / et puis s'envolent. » Le fleuve nettoie les pensées « Au bord du petit fleuve / ton cri / a jeté sa falaise ». Mais le mystère y est partout « L'énigme / est un galet // le ricochet / une réponse. » L'envol de l'oiseau s'efface aussitôt accompli, on rêverait qu'il en soit ainsi pour tous nos soucis. Mais étudier les oiseaux et le fleuve n'est-il pas regarder vers l'avenir ? « Quand le ciel et la mer / se rejoignent en toi / de qui es-tu l'horizon ? » François Graveline a observé le fleuve près de l'océan et les nombreux oiseaux y

Emmanuelle Imhauser

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Poète belge née en 1959, Emmanuelle Imhauser publie aux Ateliers de l’agneau un deuxième ouvrage de poésie placé sous la saisonnalité de l’existence et de la joie d’écrire ce temps qui passe. «  ne pas se laisser prendre à l’obscurité froide de / contrées sans saisons / et trouver dans le pli des rides de l’été / le foin fumant et chaud ». Sous-titré « zeit wetter » ce recueil prend les saisons comme point commun entre le temps qui passe (en allemand : zeit) et le temps qu’il fait (wetter). A chaque saison ses Intempéries. Réflexion sur ce temps qui nous laisse périr, sur son expression, son langage et la façon de l’écrire. Car le jour n’est pas qu’une lumière, c’est aussi un morceau de temps. « un peu de temps gagné /// la pluie tombe toujours / assez fine et légère /// le carillon qui sonne // zeit » Et puis pour exemple, ce bel alexandrin qui joue bien sur la dualité sémantique de ce temps : « demain se lèvera aux yeux mouillés de l’aube ». Car Emmanuelle Imhauser marie l’ale

Titos Patrikios – Sur la barricade du temps

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Avec la publication d'une anthologie bilingue des œuvres du poète grec Titos Patrikios, les éditions Le Temps des Cerises nous offrent l'occasion de comprendre la crise grecque par le prisme de la poésie tout aussi efficace que celui de l'économie ou de la sociologie. En effet, avec les poèmes de ce grand auteur maintes fois primé, et dont la vie fut un combat pour la liberté et la démocratie, nous plongeons dans l'histoire difficile d'un pays aux multiples souffrances. Titos Patrikios, l'un des poètes les plus importants de Grèce et ami de Yannis Ritsos, fait partie de ces intellectuels qui, après la seconde guerre, par le seul fait d'être communistes et porteurs d'une autre vision du monde, ont eu à connaître l'emprisonnement dans des camps de « réhabilitation ». La vie de ce poète trop peu connu en France illustre parfaitement la devise grecque : « la liberté ou la mort ». Car sa vie fut un combat et son temps une barricade où il tenta tou

Gilles Baudry et Pierre Tanguy - Abbaye de Landévennec, l’âme d’un lieu

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Ayant quitté le chemin de la foi depuis de nombreuses années, j’ai peu l’habitude de lire des livres religieux. Mais attiré sans doute par les noms de Gilles Baudry et Pierre Tanguy, poètes bretons aux mots souvent justes, je me laisse attirer vers un lieu plein de mystère : l’abbaye de Landévennec. « Un mystère s’ouvre à moi fait de beauté et de mystère… » (P.Tanguy). Véritable cocon spirituel, cette abbaye retirée au fond de la rade de Brest au détour d’une boucle de l’Aulne, a été fondée au cinquième siècle et possède l’âme de tous les lieux d’histoire. Mais avec en plus, l’âme des mots inspirés du silence, écrits par G.Baudry. Ou comment l’homme peut contribuer à l’âme d’un lieu… Mystère de la vie monacale pour le simple passant comme moi, « ce sentiment de rentrer par effraction dans un domaine où des paroles venues d’ailleurs bruissent même entre les feuilles » (Pierre Tanguy). L’abbaye, lieu de retrait, de silence et de lenteur (« Nos pas / seraient plus purs / s’ils avaien

Jacques Josse - Marco Pantani a débranché la prise

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Après s’être retourné sur son passé avec Liscorno et les balades littéraires à Rennes et Nantes, Jacques Josse, écrivain rennais, nous propose dans son nouvel ouvrage de découvrir Marco Pantani, cycliste à la carrière interrompue prématurément par les affaires de dopage et à la vie courte également qu’il a choisi d’interrompre le 14 février 2004 à l’âge de 34 ans. Dans un style simple et dépouillé, et dans toute l’humanité qui est la sienne, Jacques Josse renoue avec une littérature sportive qui s’est difficilement remise de la disparition d’Antoine Blondin. Bien sûr il y a eu le Jacques Anquetil de Paul Fournel et le Luis Ocana de Hervé Bougel, le Zatopek de Jean Echenoz, mais Jacques Josse dresse un portrait attachant d’une étoile filante sportive, illuminant de courage, ayant dû subir de nombreuses épreuves douloureuses, et toujours remontant sur la selle en serrant les dents. Sauf ce jour de Saint Valentin 2004 où, acteur de sa propre sortie de route dans la desc

Gilles Plazy, "Paul Gauguin, l’insurgé solaire"

Depuis l’«  Ut pictura poesis  » de Horace, il est de tradition pour un auteur d’écrire sur la peinture, un peintre ou toute autre forme d’art. Gilles Plazy est poète et peintre et vient nous réjouir d’un nouvel ouvrage intitulé Paul Gauguin, l’insurgé solaire. Les connaisseurs n’apprendront rien de la vie de Gauguin. Le propos de Gilles Plazy n’est pas d’en publier une biographie, ni d’en faire un roman. Il s’agit plutôt de faire revivre l’artiste, dans un je qui dirait tout de l’âme, peut être mieux que Gauguin lui-même. Pendant de courts instants, voir avec les yeux de Gauguin, sentir avec lui, s’énerver comme lui, ressentir sa vie et non pas l’observer. Entrer par affection dans la tête de cet artiste sans racines parti cueillir la fleur de tiaré. Gilles Plazy nous permet de découvrir un Gauguin tout en douleur et en partir depuis l’enfance, puis plus tard tout en rupture avec ses pairs artistes, sauf Van Gogh. Il veut briser les codes de la pein

Bernard Noël

                      je n'écrirai plus disais-je et tu me répondais il faut que vive de nous ce qu'aucune peau ne protège et qui n'a même pas de chair pour en mourir Bernard Noël La Chute des temps Poésie / Gallimard

Titos Patrikios

MA LANGUE Ma langue ne m'a pas été facile à garder au milieu des langues qui allaient la dévorer mais c'est dans ma langue que je continuais à compter dans ma langue que j'amenais le temps aux mesures du corps dans ma langue que je multipliais la volupté jusqu'à l'infini en elle que me revenait à l'esprit un enfant avec la marque blanche laissée par un caillou jeté sur sa tête rasée. Je m'efforçais de ne perdre pas même un de ses mots parce que c'est dans cette langue que me parlaient même les morts. Titos Patrikios Sur la barricade du temps Le temps des cerises

Alain Roussel, Le Labyrinthe du Singe

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Alain Roussel est un enchanteur onirique, exhausteur d'imagination comme on parle d'exhausteur de goût, de ces allumeurs d'univers qui marquent dès la première lecture. Mais c’est aussi un raconteur qui sait manier le style et les mots du poète. Son dernier livre Le Labyrinthe des Singes n’est pas à proprement parler de la poésie mais comme souvent dans sa collection « piqué d’étoiles » qu’il dirige pour les éditions Apogée, Jacques Josse aime à y publier des auteurs qui ont la poésie en eux. D’ailleurs, un roman dont le premier chapitre s’intitule « un coup de dés » n’est forcément pas loin de la poésie. Et ce livre, avec ce mélange d’humour et de poésie, et la même effervescence des mots, ne nous fait pas regretter le choix d’Alain Roussel d’avoir eu recours au roman et non au poème. Et puis, quelle bonne surprise ces brèves apparitions de Joë Bousquet, Henri Michaux et Petr Král ! Ce labyrinthe, publié donc par Apogée, est en fait un dédale jouissif, une autoroute

Habiba Djahnine

Sur les chemins, le bitume, les pavés Gisent des êtres qui souffrent de l'attente Des êtres que nos terres ne contiennent plus La mer du milieu les absorbe Les happe, les rejette sur les rivages incertains Dans l'autre continent, sans amour, sans sépulture [...] *** De quel silence demain sera-t-il fait? Quels seront nos bruits de fond? De quelle couleur seront nos solitudes? Nous avons construit des villes pour être assiégés Des maisons pour être assignés à résidence Des idéaux pour nous assassiner Des refus pour remplir le ciel d'un vacarme       assourdissant Où sont nos villes? Où sont nos hommes, nos femmes, nos enfants? Nos vieilles et nos vieillards? Où sont-ils? Nous avons si bien appris à être des martyrs Que rien d'autre ne semble nous émouvoir Les vivants sont là! Abasourdis, coupables, silencieux ou bavards Les vivants sont là dans tous les pays Ils parlent, ils crient, ils pleurent, ils meurent. Nous avons si bien appris le ch

Paul Quéré

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couche par couche effaçant le vide sondant des possibles non encore imaginés refusant l'enfermement dans la redondance des formes de l'objectivité naturalisante les empaillements de l’œil disant la ligne comme une fuite d'avance comme un recul constant de l'horizon la main proposant le tracé l’œil justifiant ou non veillant à l'habitation des noirs et des blancs pour affirmer la présence des formes et des couleurs considérant le motif comme une opportunité picturale peinture sans préalable Texte et peinture : Paul Quéré Poèmes celtaoïstes Éditions Sauvages

Dominique Sampiero

Et moi, aujourd'hui, je ressemble à la terre, à chacun de ses renoncements, à ses chemins pris au piège des ronces, à ses gémissements qui viennent non pas de la jachère mais de la mer, à ses hordes de blé et de seigle, à ses collants rouges bien mûrs qui la protègent des abeilles, à ses bouquets d'asters et de misères, à ses regards de fièvre, de brume, à son écorce d'eaux troubles, à ses lavis d'automne mutilés d'instants, aux mains tendues des buissons où s'endorment les cailles visiteuses, à ses transfuges de naissances et de jonquilles, à ses semences sans destination, à ses voyages de petite fille qui danse sur elle-même, à son ange noir de lave et de routes intérieures, à ses marais enroulés aux cheveux des villes, à ses itinéraires de métaux, de rivières, à son corps d'ermite qui se ronge, à ses horizons de miroir et d'orage, à sa sève, à ses mains qui le temps venu déversent l'ombre de tant d'années, à ses éclairs de faisan, de fougère,

Gilles Plazy

Dans l'actuel état de crise de la langue, avivée par l'emprise de la grande mélasse médiatique, ne serait-ce pas le rôle, la mission, de la poésie de sans cesse travailler à la restauration de la langue comme matière et mouvement de la liaison de l'homme au monde, du dire de l'expérience humaine fondamentale que chacun a à vivre et qu'il vit dans sa singularité? Gilles Plazy Les mots ne meurent pas sur la langue éditions Isabelle Sauvage site internet de Gilles Plazy