Stéphane Sangral - Des dalles posées sur rien
Je
ne suis pas certain d'avoir toutes les clés pour analyser le dernier
ouvrage de Stéphane Sangral aux éditions Galilée : Des
dalles posées sur rien.
Pas assez de culture philosophique, même si l'auteur affirme écrire
un recueil « bien
moins scientifique que poétique».
Mais la dédicace reçue m'invite à ne pas céder à la tentation de
refermer ce livre un peu ardu à prime ouverture « En
espérant que ces dalles philosophiques sauront porter vos pas sur le
plaisir de poétiquement marcher dessus».
Et là je me dis chiche, allons arpenter ces dalles pour voir si
elles sont vraiment posées sur rien ! C'est là l'un des
intérêts de la poésie : partir dans une direction inattendue pour
en apprendre plus sur soi et sur le monde.
Évidemment,
je pense tout d'abord aux cimetières et à ces dalles de caveau
posées sur des corps en décomposition. Mais rapidement je me rends
compte que rien n'est si simple chez Sangral et que s'engage une
réflexion sur l’Être, le concept de conscience réflexive
découvert vaguement dans Wikipédia sans vraiment approfondir, un Je
défini comme « la
portion du soi qui se sait».
Dans
la première partie, Sangral initie un dialogue entre le Je et la
Raison, comme un étudiant avec son professeur, son maître plutôt.
« Qui suis-je? Qui est Je?».
« Qui
suis-je, moi qui sais n'être qu'un tas de molécules ; qu'un tas de
molécules structuré pour croire qu'il est autre chose qu'un tas de
molécules.»
« Qui
suis-je, moi qui ignore jusqu'au sens de la question "Qui
suis-je ?" ?». « Je
suis de la chimie qui, souillée de traces d'alchimie persistantes,
ne peut transformer le plomb de la désespérance en l'or de
l'acceptation.»
Définir
le Je, ni par l'avoir ni par l'être. Mais le langage est-il de
l'avoir ou de l'être ? De même pour la conscience : le corps est-il
fait de conscience ou bien en amasse-t-il à force d'âge ?
Et
avec Sangral toujours cette approche de réflexion sur soi à partir
de la spirale, les circonvolutions
de son précédent ouvrage.
Ne jamais trop s'éloigner de son centre et approfondir le sens vers
le plus profond de sa conscience. Spirale plutôt que boucle ou
plutôt encore spirale géante constituée de multiples boucles.
Comme le mouvement des astres autour de leur soleil « processus
lié à ma fascination pour le motif de la boucle - fascination
elle-même liée à cette fascinante boucle qu'est la réflexivité
de la conscience - ».
L'exploration de sa propre conscience par la connaissance de
l'infiniment grand. Le je au centre de l'univers. « Je
est le seul véritable trou noir...».
Ces
dalles sont comme la contribution de Stéphane Sangral à la
cosmopoétique, comme une première pierre posée dans ce nouvel
espace.
« La
méditation ? Quand la conscience rêve fortement d'entrer au fond
d'elle-même pour y trouver la sortie : le Cosmos...
La
poésie ? Quand le Cosmos rêve fortement d'entrer au fond de
lui-même pour y trouver la sortie : la conscience...»
Et
puis bien entendu, Sangral en bon explorateur
des mystères intimes universels, s'offre un temps de réflexion
jouissive (le jeu du Je) autour
du néant et de l'écriture du néant. Comme
si le néant était un gigantesque labyrinthe rempli de Je, d'être
et de langage. Un néant de consciences faites âmes par des
questionnements autour de la mort :
« Qu'est
ce que la MORT ?
[...]
4/ Un
silence qui ne sait pas se taire.
[...]
14/ Le
droit d'appeler Dieu par son petit nom : Néant. »
En 2011,
Jean-François Dortier, fondateur et directeur du magazine Sciences
humaines déclarait : « Selon
moi, la science de la pensée, qui a beaucoup investi dans la
physique, la chimie et la biologie, doit maintenant intégrer
l’approche littéraire… » Nul
doute que Stéphane Sangral y contribue avec ses "dalles
posées sur rien".
Commentaires
Enregistrer un commentaire