Alexis Gloaguen - Rues de Mercure

Rues de mercure est le troisième volet d'une trilogie qu'Alexis Gloaguen débuta avec Les veuves de verre en 2010 et Digues de ciel en 2014. Récits de voyage en mode observatif, pour ne pas dire contemplatif, avec le regard plus affûté que pour de simples contemplations. Le voyage pousse à réfléchir celui qui ne le considère pas comme un simple bien de consommation, qui ne s'affiche pas en ayant "fait" tel ou tel pays, telle ou telle ville. Ici New-York, Chicago, Washington, Nashville, Toronto, Vancouver, Ottawa, Tokyo, etc. et leurs habitants sont quasiment auscultés, de même que les sensations de l'auteur au regard des paysages urbains, de l'architecture, des coutumes, des lieux de contact (bars, bibliothèques etc.) des animaux ayant trouvé repaire en ces grandes mégapoles. "Comment faire mienne cette ville que je connais si peu ? Suffit-il de ressentir les vagues contre ses piles de bois et leur froissement d'impalpable métro sous les quais ? de respirer le sommeil des bateaux à l'ancre et de transmuer tout cela en sculptures de mots ?"

De la Poet's walk de Central Park à la Tour CN de Toronto, le lecteur est transporté dans ces rues aux façades d'acier et de verre, aux brillances grises qui ont inspiré à Alexis Gloaguen le titre de cet ouvrage. 

Pour analyser ces villes, l'auteur cherche les trois points d'appui minimum comme pour l'escalade. En fait il articule ses récits autour de quatre éléments : le lieu, le temps, le corps et la langue. Il y dépeint des atmosphères, des instants fugaces, des rencontres. Il regarde en haut, en bas, sur les côtés. Il scrute les en-deçà, les intérieurs, en quête de toute âme qui vibre. Il parcourt les rues au hasard "Non que la vie actuelle ressemble à ces envolées de hasard. Si l'indécision me guide, ce serait plutôt dans une reptation, un décollage sur les aspérités du sol."  
L'auteur ne cherche pas à embellir ces rues, il nous les propose telles quelles.
Car voyager n'est pas que voir, emmagasiner des images, c'est aussi respirer, écouter, sentir, ressentir, rencontrer. 

Ce journal de voyage est aussi une forme d'autoportrait â l'étranger, face à un paysage et des habitants inconnus. Autoportrait où la musique est toujours présente. 

Le style est poétique et intelligent et ces séquences urbaines nous poussent à nous interroger. Au-delà du voyage, le lecteur trouvera dans Rues de mercure une réflexion profonde sur la vie, sur l'écriture etc.
"Nous avons, pour un temps limité, accès a l'infini, mais ne le savons pas. Nous le devinons lors de moments privilégiés : l'amour, le passage d'un vent frais sur le visage au plus fort de l'été. La seule façon de faire exister ce qu'alors on pressent tient au moyen d'expression".
"La poésie, dans sa violence et sa robe de chat de gouttière, pourra écrire cette tension et l'outrepasser. Elle devra porter sur le monde le couteau des nuits blanches, monter le son des douleurs pour déboucher sur une légèreté des heures abordées hors de l'histoire". 

Rues de Mercure 
Alexis Gloaguen 
Editions Diabase 2020
18 €

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