Marc Le Gros - Passage du héron gris


Si je me fie au ton donné par la citation de François Cheng en exergue, pureté et légèreté vont marquer ce « passage du héron gris » de Marc le Gros. Quatrième et dernier volet (après le corbeau, l’aigrette et le cormoran*) d’une tétralogie des oiseaux du halage, Marc Le Gros se place à nouveau en observateur des passagers de l’Odet, ce fleuve breton qui traverse Quimper.

Et tout de suite, dès la première page, la proximité avec l’humain écrivant « C’est qu’on balaye la page du ciel nous aussi / Nos mots ce sont les plumes qu’on laisse / Les livres qu’on jette à la mer / On écrit sur le vide / Comme lui ».

Tout comme l'homme, le héron signe son œuvre de passage d’une trace de pas fragile sur la vase d’un fleuve passé. « Le beau placé décomposé du pied / Sur le glacis des vases / Cette allure impeccable de celui / Qui voit clair et qui marche / Aussi lent qu'un grand fauve / Sur les œufs des saisons ».

Un pas hésitant, un vol malhabile, un pas d’automne comme un fantôme « Héron d’automne / Jamais droit dans tes bottes / Qui plane si mal »

un pas de sage, presque oriental « Quant au bec / C'est la baguette précise de Confucius / A table / Toute la saveur calculée du monde ».

Mais ce recueil de Marc Le Gros n’est pas une simple aquarelle de bord de fleuve, comme les peignent quelques peintres autosatisfaits et où la charge en eau vient diluer les soucis, les interrogations « Ce n'est plus un oiseau / Mais un coup de cisaille qui glisse mal chaque fois / Les draps soudain sont rêches presque coupants / Il fait froid / Les lampes hoquettent au creux des chambres / Comme si c'était le temps / Qui s'étranglait ». Le héron pour perdre ses repères « Quand la frontière n’est plus tout à fait / La terre ni l’eau ni même le ciel ».

Le pas léger du héron interrompu par l’envol face au chien. Le chien l’ami fidèle du poète des promenades de bord de fleuve. Le chien, maître à penser la vie, la mort, le passage… « Car les chiens comme nous meurent les yeux ouverts / Pas les oiseaux / Leur mort à eux ne s'entend pas / Le jour la passe à l'ordinaire des pas / Qu'on ne compte pas ».

Mais aussi le pas qui s'interrompt « Héron vieux cri de sac qu'on éventre / D'accordéon troué / A chanter sous la pluie / Elle est inapaisable ta plainte ». Quand comme le héron, c'est l'homme « Qui lâche / Comme s’il tombait dans son propre cri ».

Marc Le Gros
"Passage du héron gris"
éditions double cloche 2007

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