Articles

Jacques Vincent - La gazelle de Thomson

Image
Un homme se meurt. Un artiste sur un lit d'hôpital. La douleur. Le besoin de s'accrocher à la vie. Alors il dessine. Toute la journée il dessine une chaise. Toujours la même chaise multipliée dans un trait qui se fait de plus en plus malhabile. Drôle de chose que cette chaise en paille. Fragilité de la paille et en même temps symbole de stabilité. Allongé dans son lit l'artiste voit cette chaise comme un espoir. Sortir d'ici pour s'asseoir devant le chevalet. Pour ne pas se laisser prendre par la nuit. Cet homme c'est Roberto Cedrón, peintre et sculpteur, mais aussi marionnettiste, comédien, metteur en scène et décorateur de cinéma argentin, ayant fui vers la France la dictature des généraux et ayant vécu à Douarnenez où il poursuivit ses activités de peintre affichiste et graveur jusqu'à sa mort en 2018. Un homme se meurt et ses amis viennent le voir, dont Jacques Vincent, architecte de formation, puis graphiste, illustrateur et enseignant en ar

Alexis Gloaguen - Rues de Mercure

Image
Rues de mercure est le troisième volet d'une trilogie qu'Alexis Gloaguen débuta avec Les veuves de verre en 2010 et Digues de ciel en 2014. Récits de voyage en mode observatif, pour ne pas dire contemplatif, avec le regard plus affûté que pour de simples contemplations. Le voyage pousse à réfléchir celui qui ne le considère pas comme un simple bien de consommation, qui ne s'affiche pas en ayant "fait" tel ou tel pays, telle ou telle ville. Ici New-York, Chicago, Washington, Nashville, Toronto, Vancouver, Ottawa, Tokyo, etc. et leurs habitants sont quasiment auscultés, de même que les sensations de l'auteur au regard des paysages urbains, de l'architecture, des coutumes, des lieux de contact (bars, bibliothèques etc.) des animaux ayant trouvé repaire en ces grandes mégapoles. " Comment faire mienne cette ville que je connais si peu ? Suffit-il de ressentir les vagues contre ses piles de bois et leur froissement d'impalpable métro sous

Bernard Berrou - Frontières d'Irlande

Image
Bernard Berrou, en fin connaisseur de ce pays celte si proche de la Bretagne, nous propose un road trip entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord au moment du Brexit. Pour moi qui partage cette irlandophilie qui m'incite à retourner régulièrement dans ce pays, cet ouvrage va me servir certainement de guide pour mes prochains séjours. Mais plus qu'un guide touristique, les paysages sont tout de même dépeints avec précision et poésie, " Si le paysage est un état d'âme, c'est bien sur cette côte du Clare que je peux le sentir .", c'est un récit quasi journalistique sur les changements intervenus dans les mentalités irlandaises depuis ses précédents séjour dans ce vert pays. Cette itinérance interroge bien sûr la notion de frontière et de toutes les tensions qui peuvent en découler. " Beaucoup de frontaliers du monde forment une population qui s'incarne mal dans une identité nationale. Ils se sentent inclus dans une sorte

Kikuo Takano - Haut dans le ciel

Image
Kikuo Takano (1927-2006) est un mathématicien et poète japonais qui n'avait jamais été publié en français jusqu'à ce que les éditions RAZ demandent à Philippe Démeron de traduire un regroupement de textes écrits sur une quarantaine d'années.  Après ses lectures d'Heidegger, et ses pages sur l’être et sur la poésie, Takano déclare avoir " décidé de m’interroger sur le sens de la vie avec ces mêmes mots dont je cherchais, sincèrement, le sens – et de le faire désormais sans crainte. (... )". Le sens, la place dans la vie, la vérité de soi, la philosophie " Jusqu'à quel point suis-je moi-même ?". Poète de l'instantané, il place bien entendu sa poésie, comme bon nombre de poètes japonais, dans les éléments naturels. " Quand je ne posais pas encore de questions / sur le sens du ciel et de la terre, / j'avais des mains et des pieds de boue - / alors ma langue était heureuse : / en elle la lumière rencontrait l'eau, / le cie

Jacques Josse - Postier postè

Image
Ce " postier posté " est le journal d'un jeune Breton monté à Paris pour travailler aux PTT pour trier les gros sacs de courriers, cartes postales, cartes de voeux, faire-parts, factures, journaux et revues, livres que la France d'avant les courriels se plaisait à envoyer et à recevoir. Ces petites mains occupées à dispatcher le tout par code postal dans des casiers, Jacques Josse en a fait partie, au tournant de la modernisation, prélude aux hangars des multinationales de la logistique rognant sans vergogne sur le droit du travail. Le mal était déjà en germe quand la machine a remplacé les hommes. Mais au-delà de ce poste de postier, c'est comme une porte que Jacques Josse entrouvrait à cette époque. A dévorer les poèmes de Franck Venaille et Jacques Reda, ces deux poètes des lieux, il approfondit son regard et ouvre la porte qui libérait le poète qui était en lui. Cet ouvrage est un vrai livre d'artistes au pluriel, avec les pastels de Georges

Philémon Le Guyader - La Crevie suivi de Mon goéland et Poèmes ruche

Image
Philémon Le Guyader, éditeur et poète ou bien poète et éditeur, mais aussi acteur, vit chaque jour en poète dans son Finistère inspirant et a choisi de se publier lui-même pour ne plus avoir à être la victime des programmes éditoriaux bouclés sur plusieurs années et des courriers les plus désespérants les uns que les autres. Ce n'est pas pour autant qu'il en profite pour se laisser aller à la facilité et il met autant d'exigences dans ses propositions que les auteurs qu'il choisit. En 2016, il a publié un triptyque poétique qui aurait mérité qu'un autre éditeur s'y intéresse.  Dans la première partie, La Crevie , cette vie dont les poètes parfois en crèvent, reprise ensuite en 2022 dans un recueil illustré par Jacques Cauda et qui mériterait vraiment une large diffusion, Philémon Le Guyader offre dans ce recueil,  publié en 2016, à vingt-huit poètes leur poème posthume (quatre pour le prince Arthur). Ces écrivains que l'on connaît plus ou moins,

Veronica Gonzalez Arredondo - Dames errantes

Image
  En 2018, Philemon Le Guyader publie, pour la première fois en France, Je ne suis pas ce corps , de Verónica Gonzalez Arredondo, traduit déjà par Élise Person. En 2019, le trio autrice-traductrice-éditeur récidive avec Dames errantes un ouvrage de poésie doublé d'un livre d'artiste grâce aux magnifiques illustrations d'Abel Lozano. Ces dames errantes, sont les sorcières. Ce titre est emprunté à Vincent de Beauvais, moine-encyclopédiste du XIIIème siècle, qui les voyait s'envoler vers le lieu du sabbat, cette assemblée de sorcières aux rites démoniaques. A travers l'image de la sorcière, si présente dans la culture mexicaine et qu'elle dédiabolise, c'est toutes les femmes que Verònica Gonzalez Arredondo désire célébrer. Elle explique que « l'idée de ce livre est de raconter par le prisme de l'écriture et du corps de la femme, la relation avec la nature, la magie et tous les éléments qui y sont liés ». Son inspiration vient de plusieurs tableau