Emil-Iulian Sude - Veilleur de nuit

Je me méfie des préfaces. Parfois, n'en déplaise à leur auteur, je préfère ne rien savoir. Pour l'ouvrage Veilleur de nuit, du poète roumain Emil-Iulian Sude, je me dis que s'il y a un avant-propos et une préface, c'est que cela doit être important. L'avant-propos commence par "Le recueil Veilleur de nuit englobe une variété d'expériences humaines reconnaissables et complexes, d'où la difficulté que nous éprouvons en tant que lecteurs à essayer de le classer dans une catégorie prédéfinie". Et les premiers mots de la préface sont : "Nous avons devant nous le cinquième recueil de poèmes d'Emil-Iulian Sude et, nous l'espérons, celui qui le placera au premier rang de la littérature roumaine contemporaine." Waouh ! Comment mettre ainsi la pression sur le lecteur ! J'ai intérêt d'apprécier cet ouvrage...

Et bien oui, j'ai apprécié cette poésie, inventive, traduite avec talent par Gabrielle Danoux, car elle n'a rien d'académique, d'attendu. C'est une écriture du siècle encore à venir et non du passé. L'auteur veut perturber notre lecture, déranger nos certitudes sur ce que doit être un poème. Et pourquoi n'aurait-on pas le droit d'atchoumer en poésie ? Son propos est de faire du quotidien une esthétique, et pourquoi les veilleurs de nuit ne pourraient-ils pas inspirer de la poésie ?

Les mots de Sude sont des pollens, on peut y être allergique, ce n'est pas mon cas, pas d'allergie, surtout quand il réinvente le surréalisme en le plaçant bien au-delà du jeu de langue. "nous nous levons par les aisselles pour voir nos rotules dehors". J'aime les auteurs qui osent déstructurer ainsi le monument-poème-intouchable, que trop d'amateurs s'autosatisfont à écrire en rimant comme un sonnet du dix-neuvième siècle, ou un haïku du vingtième. "nous avons parfois envie de nager papillon à travers Lui".

Cet ouvrage est matière à réflexion. Aucune vérité à asséner, juste une poésie-pollen pour féconder chez le lecteur une conscience qui doit s'ouvrir pour fleurir et essaimer à son tour.

L'auteur nous parle de lui, de son métier de veilleur. Mais qui veille sur qui ? Et qui sur-veille ? L'auteur parle de lui, du travail, mais aussi de la Roumanie, mais aussi du Monde, mais aussi de nous, Roms, Français, ensemble citoyens des mots.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Kikuo Takano - Haut dans le ciel

Titos Patrikios – Sur la barricade du temps

Philémon Le Guyader - La Crevie suivi de Mon goéland et Poèmes ruche