Carole Carcillo Mesrobian – Aperture du silence
Pour Carole Carcillo Mesrobian,
"écrire c'est tenter
de saisir un instant, une seconde, l'aperture d'un univers enclos
dans le silence." Et
cette aperture est le maître mot de son dernier ouvrage, publié
chez PhB éditions. Car il ne s'agit pas simplement d'une simple
ouverture mais aussi en linguistique, l’ouverture du canal buccal
au point d’articulation d’un phonème. Et que prononce le silence
sinon le chant inaudible du monde végétal? C'est en tout cas ce que
laisse suggérer l'incipit de cet ouvrage : "J'irai
tu le savais porter le chant des arbres / Aux fenêtres du ciel"
Et au-delà du végétal, Carole
Carcillo Mesrobian, dans un style mêlant abstraction, surréalisme,
regorgeant d'images, passe en revue toutes les vies silencieuses qui
ont tant à exprimer : le feu "J'irai
tordre le feu pour verser sa chaleur au seuil de tes hivers".
Les larmes "Nos corps
ne plus / Comme un chien qui s'ébroue pleut des larmes perdues".
Les saisons "Sous le
sillon des apertures se dépenaillent les étés / Et rime autant que
la clôture l'entêtement de respirer".
La solitude "La nuit
jamais ne s'apprivoise [...] La solitude est son habit [...]".
Les ombres "Mais la vie
ne mesure l'espace de nos rêves qu'à l'empan de nos ombres".
La poussière "Et
encenser la poussière / Pour ce qu'elle offre au sablier /
D'éternité"
Mais aussi "Il
y a le bleuté d'un bruit de papillon",
image qui, en ce qu'elle évoque en trois dimensions : couleur, son
et mouvement, est sans doute encore plus belle que la terre orange
d'Eluard.
Le style de Carole Carcillo Mesrobian
interroge notre façon de percevoir la poésie, dans une liberté qui
peut dérouter un lecteur peu habitué à la poésie contemporaine,
mais qui garde l'enfance comme source. "Je
porte manteau de vieillesse et parole de nouveau-né."
Tout en restant exigeante et originale dans son appel à
l'imaginaire du lecteur.
Elle qui cherche à "Écrire
contre le langage, contre soi-même, contre toute possibilité de
dire, de vouloir dire, d'énoncer"
garde à l'esprit que "Ecrire,
c'est répandre un sang vaniteux sur une vacuité irréductible."
Aperture du silence
Carole Carcillo Mesrobian
PhB éditions 2018
58 p
10€
Note de lecture publiée également sur le site Recours au Poème
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