Yannick Torlini – Ce n’est rien
Le dernier ouvrage de Yannick Torlini
est présenté comme un récit-poème sur le site des éditions
TARMAC. Pas étonnant quand on sait que cet auteur n'aime pas parler
de poésie, mais plutôt de textes, qu'il écrit des textes, qu'il
explore la langue avec des textes et non des poèmes.
La langue donc , l' "ambiguïté
de la langue". Depuis
La malangue son premier recueil en 2012, ce travail sur la langue est
une préoccupation constante chez Yannick Torlini. Par une succession
de courtes strophes, comme des tweets, par des répétitions comme
rebondissantes, il cherche sa propre langue, la place de la langue
dans le temps présent, sa propre voie dans la langue.
"il
y a une angoisse d'être de ce monde. d'être dans cette langue qui
pense faire monde. / cette langue qui repose. sur l'obstination du
sens. sur le sol accumulé par le sens. strates après strates,
pierres après pierres."
"dans
la langue il y a une autre langue qui creuse, gratte et crie. dans la
voix un million de voix autres. m'adressent. me tarissent."
Yannick Torlini choisit la scansion
pour dire et proférer le corps et le temps. Ses textes courts
s'enchaînent et se succèdent dans un rythme et un style très
rapide, comme autant de pas dans cette course contre le souffle
qu'est le temps. Une course ponctuée sans majuscules. Mais à quoi
servent les majuscules dans la déclamation?
Torlini interroge aussi bien sûr le
temps qui passe "que
tout poursuive. que tout s'érode. que les os tiennent la chair
encore poursuivent que la chair tienne poursuive ici. / que les
matins se succèdent lumière lente, sur la table, sur le bureau, sur
tout ce qui porte le désastre lumière lente que tout poursuive."
Désastre et ruine du temps qui file
"que les bouches
poursuivent. que les cheveux tombent. que les ronces rampent. que la
limite évite la lumière évide. que chaque abri chaque édifice
crie la ruine." Comme
un ravin invisible ou chacun vient à tomber "quelque
chose du temps et des jours. quelque chose des ravins et des ronces.
quelque chose sans mémoire et sans traces. / quelque chose quelque
chose qui ne s'entend pas. ne se sent pas. ne se touche pas."
Mais Torlini n'est pas coupé du monde
et de ses soucis : "j'écris
pour le reste. pour la pluie et les terreurs liquides. pour les
grillons qui tiennent encore les saisons debout, terre craquelée,
sèche, puis glaise, meuble et molle."
Et modeste face aux enjeux du monde et de son avenir "nous
essayons d'être".
Cet ouvrage, ce n'est rien qu'un peu
de poésie sans doute, mais cela fait du bien. Et dans ce rien il y a
presque tout.
Ce n'est rien
Yannick Torlini
TARMAC éditions
2018
52p
10€
Note de lecture publiée également sur le site Recours au Poème
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