Henri Droguet -Toutes affaires cessantes

 


Le titre du dernier ouvrage d'Henri Droguet laisse à penser qu'arrivé à cet âge de la vie, il y a comme une urgence à dire, à chercher des réponses aux questions existentielles. Mais s'il y a urgence, il ne doit pas y avoir précipitation et Henri Droguet est un de ces ciseleurs de vers qui prennent le temps de choisir le seul mot qui puisse convenir à son propos. Tel le joaillier, il assemble les mots pour les unir en un bijou d'inventivité dans les délices du désordre, des divagations, désarticulations, dislocations, devinettes, et autres tambouilles et ratatouilles, kyrielle ribambelle, rébus, prismes et miroirs. Les mots, le vocabulaire si riche de l'auteur. Nommer, préciser, tout ce que peu d'écrivains font désormais, dans le désordre des mots si bien arrangés (on pourrait aussi parler de jardins anglais), pour souligner l'incohérence du monde et s'interroger sur sa propre place dans cette époque opaque.

On retrouve dans ce nouvel ouvrage tous les éléments indissociables de l'auteur normand de naissance et breton d'adoption : la mer, le vent, la pluie, et donc la météo marine, "les souffles tempestifs des bourrasques", les oiseaux ("la dérive accablée des corneilles, la rousserolle effarvatte s'effare et se carapate"), les végétaux ("arpents de seigle matricaires & potentilles") etc. Henri Droguet nous invite à l'accompagner, "Toutes affaires cessantes" donc, dans une promenade centrée sur l'observation du monde, tous sens en éveil, en conservant le regard affûté d'un Petit Poucet rêveur.

Aux lecteurs aimant être emmenés dans des chemins foisonnants, quasi impénétrables, où l'on bute régulièrement sur une expression disparue, une référence cachée, aux lecteurs ne craignant pas d'ouvrir le dictionnaire régulièrement, découvrez la poésie d'Henri Droguet. Une poésie qui demande autant d'exigence au lecteur qu'à l'auteur lui-même, mais aussi et surtout une poésie avec l'humour et le détachement qui font de sa lecture un plaisir.


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