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Affichage des articles du février, 2025

Chantal Dupuy-Dunier - Parenthèses

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C'est une parenthèse d'émotion que nous offre Chantal Dupuy-Dunier dans son dernier ouvrage publié aux éditions du Nord / Éditions Henry. Une parenthèse parentale pour dire la mort, le manque, le souvenir. Ce n'est pas le premier ouvrage traitant de ce sujet mais cette approche par les parenthèses me semble intéressante avec tout ce que cela peut évoquer. Au-delà du jeu de mots avec parents, Chantal Dupuy-Dunier voit en les parenthèses les planches courbes du cercueil. On peut y voir également d'autres symboliques. Les parenthèses pour inclure ses pensées intérieures dans un récit, pour y déposer des sentiments. Les parenthèses pour inclure une définition, et un homme et une femme ne trouvent-ils pas leur propre définition à travers leurs parents ? Dans cet ouvrage, Chantal Dupuy-Dunier explore "la dimension du manque", de l'absence, "Ta présence est devenue celle, / plus aigüe, / des absents", de la perte, "Il manque...

Hassan Wahbi - Éloge de l'imperfection

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Selon A.Laâbi, Hassan Wahbi est "cette étoile discrète mais dont la lumière délicate est appelée à briller durablement". Il est vrai que ses ouvrages commencent à faire naître une belle œuvre, malheureusement trop méconnue. Dans Eloge de l'imperfection, publié en 2012 aux éditions Al Manar, d'entrée, l'auteur affiche sa volonté de mélanger les sens en convoquant dès le premier poème les parfums (devenus secrets), le silence (des corps), le bruit (que fait l'habitude / de vivre), les yeux (s'habillent / de deuil), le blanc (des désirs) et un peu plus loin l'œil (de la tempête). Et puisqu'il y a Éloge de l'imperfection, voyons un peu de quelles imperfections il s'agit. Hassan wahbi s'interroge tout d'abord sur le vivre "Comment vivre juste" dans "le désir imparfait de vivre" ? "A quel signe reconnaître sa vraie vie / dans ce qui est choisi, négligé ou oublié / dans le déroulement de...

Sophie Loizeau - L’île du renard polaire de To Kirsikka

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Le dernier ouvrage de Sophie Loizeau débute de façon déroutante. Qui est cette To Kirsikka ? Est-elle vraiment une poète finlandaise ? Aucune trace sur l'internet. Sophie Loizeau elle-même ne sait ce qu'elle est devenue. Sophie Loizeau n'est-elle que la traductrice de cette poète retirée du monde sur une île au milieu de la mer Baltique ? Ce rapprochement entre deux univers d'écriture, mêlant créatures légendaires et faunes sauvages (renard, cerf, etc.) est-il un hasard ou une démarche ? N'est-elle pas un prétexte inventé par Sophie Loizeau pour déplacer "le poème du côté de l'altérité" et opérer "un changement d'état " de l'écriture par le déracinement ? Est-ce le récit d'une errance, un into the wild féminin ? La vie dans les bois dans les étendues enneigées du grand Nord,  survie entre cabane, branchages, oiseaux, dans un îlot approché parfois par quelques icebergs ? Une échappée sauvage pour faire cor...

Emil-Iulian Sude - Veilleur de nuit

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Je me méfie des préfaces. Parfois, n'en déplaise à leur auteur, je préfère ne rien savoir. Pour l'ouvrage Veilleur de nuit, du poète roumain Emil-Iulian Sude, je me dis que s'il y a un avant-propos et une préface, c'est que cela doit être important. L'avant-propos commence par "Le recueil Veilleur de nuit englobe une variété d'expériences humaines reconnaissables et complexes, d'où la difficulté que nous éprouvons en tant que lecteurs à essayer de le classer dans une catégorie prédéfinie". Et les premiers mots de la préface sont : "Nous avons devant nous le cinquième recueil de poèmes d'Emil-Iulian Sude et, nous l'espérons, celui qui le placera au premier rang de la littérature roumaine contemporaine." Waouh ! Comment mettre ainsi la pression sur le lecteur ! J'ai intérêt d'apprécier cet ouvrage... Et bien oui, j'ai apprécié cette poésie, inventive, traduite avec talent par Gabrielle Danoux, car elle n'...

May Ziadé, la passion d'écrire

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Carmen Boustani, universitaire et écrivaine franco-libanaise, après avoir beaucoup écrit sur Andrée Chedid, a consacré des années d'étude sur la vie et l'œuvre de May Ziadé pour nous en proposer un ouvrage très complet, excellemment documenté. May Ziadé (1886-1941), écrivaine, poète, traductrice et journaliste libanaise, est l'une des premières féministes du Moyen-Orient, luttant pour le droit des femmes jusqu'à être internée en hôpital psychiatrique par des cousins usant de faux prétextes pour la spolier. Elle mérite bien d'avoir sa biographie qu'il est utile de lire en ce moment où l'égalité homme/femme n'est malheureusement pas encore la norme partout. Ce livre très bien documenté et multipliant les anecdotes permet au lecteur de mieux cerner la personnalité d'une autrice mais aussi de mieux ressentir une époque. Fille unique, issue d'une famille aimante avec un père enseignant, elle très tôt éveillée à la culture, à la...

Jean-Pierre Boulic - Quelques miettes tombées du poème

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Jean-Pierre Boulic est un homme modeste. Il ne se hausse pas du col quand on le rencontre. Au contraire, il s'efforce d'"ouvrir la parole" et de "s'ouvrir à l'autre". Un homme modeste au point de suggérer qu'il n'est qu'un glaneur de Quelques miettes tombées du poème. Comme si le poème préexistait et qu'il se contentait d'en ramasser quelques miettes... Ces quelques miettes sont celles d'un marcheur qui observe la nature et y cherche le chemin de poésie. Il y a des pas qui en disent long sur le monde tout en restant sur la trace finistérienne de ses ancêtres. Jean-Pierre Boulic écoute l'infime pour le transformer par les mots en intime. L'infime, "des riens des choses qui traînent / qui passent mais interpellent", ou bien quelques "fleurs de grande humilité". Et dans sa conversation avec le vol d'un passereau, il se retrouve "à contempler / infiniment  / le visage des ...

Grégory Rateau, Le pays incertain

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J'aime chez un auteur qu'il écrive mieux que moi. Qu'il aille où je ne pourrais aller. Le pays incertain c'est peut-être cet endroit où mes mots ne m'ont jamais entraîné. Grégory Rateau lui, l'arpente de long en large et nous offre un ouvrage fort, d'une langue à la fois brutale et foisonnante. Suivant les pas de Cendrars, Artaud, Rimbaud, Prével, et tous les maudits poètes mal vus, déjà évoqués dans son précédent ouvrage Nemo, Grégory Rateau avance, lui le "paria de naissance", "Au mur sale petit raté!", avec la rage de vivre pleinement par les mots. "trop d’individualités me foulaient de leurs pieds, me poussaient toujours plus loin hors de ma lignée, usant de ma langue, la leur étant manquante ou simplement arrachée, j’accordais mon souffle comme je pouvais, je faisais de mes rimes des sacs remplis de colère, je déversais le tout par poignée de terre".  Il se reconnaît dans les Poèmes mortels de Jacque...

Héloïse Combes, L'embrasement des siècles

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Héloïse Combes a survécu au feu. Héloïse Combes a survécu à son enfance. A survécu à la rupture. Elle survit à la vie. Autant de brûlures qu'il faut panser. Elle a survécu grâce aux mots. Autant de brûlures qu'il faut penser. Car s'il s'agit ici d'un embrasement, on sent une farouche envie de survivre dans une poésie sauvage et flamboyante. Les traumas du passé "Mon enfance est un cloître / Dont les pillards ont forcé l'entrée." rejaillissent dans les blessures du présent "Le pire n'est pas la mort / C'est le réveil halluciné / Dans la solitude désertique / Des rescapés." Mais Héloïse Combes souhaite affronter l'épreuve en assumant "La part du fauve en soi" avec le feu intérieur comme carburant "Dans ma gorge / Ce feu / Muet", mais aussi la nature qui l'entoure "Allez savoir qui de l'arbre ou des mots / Recrée ce corps de femme". Ce présent de fait divers auquel Héloïse Combe...